Persécution des chrétiens: les Suisses doivent se responsabiliser

Persécution des chrétiens: les Suisses doivent se responsabiliser

Fin juin, le groupe Persécution.ch réunissait 1200 personnes sur la Place fédérale à Berne en signe de soutien pour les chrétiens persécutes. Prenant la parole au nom du Conseil de la Fédération des Églises protestantes de Suisse, la vice-présidente Esther Gaillard a appelé les croyants à agir aussi en Suisse et dans les Églises.

Photo: La manifestation du 23 juin devant le Palais fédéral, DR, Persecution.ch

«Il est particulièrement douloureux de voir les Églises qui ont vu naitre le christianisme au Moyen-Orient être confrontées depuis de nombreuses années à une vague d’émigration sans précédent due aux attentats terroristes, à la guerre et à des pressions extrêmes. Des chiffres récents montrent que la population chrétienne en Irak aujourd’hui ne représente plus que 10% de ce qu’elle était il y a encore 15 ans. En Syrie, le patriarche orthodoxe Éphrem II affirmait il y a quelques semaines que 45% de la population chrétienne avait quitté le pays depuis huit ans», a affirmé Esther Gaillard le 23 juin sur la place fédérale s’exprimant au nom du Conseil de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS). 1200 personnes ont participé à la manifestation organisée par Persécution.ch qui avait notamment pour but de rappeler qu’«actuellement, 200 millions de chrétiens sont mis sous pression ou persécutés en raison de leur foi dans le monde», selon le communiqué du Réseau évangélique suisse annonçant la manifestation.

Mais la vice-présidente de la FEPS ne s’est pas arrêtée là: «si ces chiffres sont inquiétants et nous touchent, nous ne devons pas oublier que la première cause de cette émigration de masse, ce sont les guerres que les nations occidentales ont menées et mènent soi-disant en notre nom dans cette région depuis bientôt 20 ans.» Tirant ainsi un lien entre persécution des chrétiens et engagement politique, Esther Gaillard appelle les Églises à s’engager comme la FEPS sur des sujets tels que l’exportation d’armes, les sanctions économiques, l’accueil de réfugiés, la reconnaissance de la religion comme critère de demande d’asile. La formation du personnel d’ambassades et la défense des droits humains.

Pas question de privilégier les chrétiens!

«Il est important toutefois pour nous de rappeler aussi qu’il n’est pas question de privilégier les chrétiens au détriment des autres personnes privées ou dépossédées de leurs droits, quelle qu’en soit la raison. Nous ne pouvons pas séparer cet engagement pour les chrétiens de celui plus global pour les droits humains, l’État de droit, la bonne gouvernance, la séparation des pouvoirs, les règles démocratiques», insiste l’oratrice.

Esther Gaillard appelle donc à ce que certaines questions soient abordées ouvertement au sein des Églises afin que les chrétiens n’oublient pas que l’écrasante majorité des personnes persécutées au Moyen-Orient sont musulmanes; que la plupart des chrétiens y soutiennent des régimes autoritaires; ou que le respect de standards en matière de liberté religieuse nécessite d’abord que les droits humains et démocratiques de base soient garantis. «N’avons-nous pas tendance à utiliser très rapidement le mot “persécution” pour qualifier toute limitation des droits individuels, alors que bien souvent celle-ci n’est pas liée à la conviction des la personne, mais à d’autres facteurs complexes?», interroge-t-elle également.

Ne pas reporter l’hostilité sur d’autres

«N’avons-nous pas tendance à oublier que nous nous faisons aussi du tort les uns aux autres dans de nombreux pays? Nos Églises ne peuvent pas soutenir le prosélytisme actif pratiqué par des organisations chrétiennes sous couvert d’aide humanitaire. Ce faisant, elles mettent en danger les chrétiens établis depuis longtemps dans la région», soulève enfin Esther Gaillard qui pour répondre à cette problématique, rappelle les recommandations de conduite concernant le témoignage commun publiées conjointement par l’Alliance évangélique mondiale, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et le Conseil œcuménique des Églises en 2011: «Par des campagnes de sensibilisation du public et des discussions politiques de fonds, nous nous engageons en faveur des chrétiens opprimés et persécutés et de l’amélioration de la situation des droits humains dans les pays concernés. Ce faisant, nous veillons à ne pas travailler avec des stéréotypes et des simplifications qui conduisent à reporter l’hostilité sur d’autres.»

(comm/job)