«L’Église était le seul lieu où les noirs pouvaient être eux-mêmes»

«L’Église était le seul lieu où les noirs pouvaient être eux-mêmes»

En hommage à Martin Luther King assassiné en avril 1968, l’Espace Fusterie à Genève présente une exposition sur sa vie, ses combats et le contexte historique
À découvrir jusqu’au 13 juillet.

«Martin Luther King est devenu une icône. Des rues, des places, des écoles portent son nom partout dans le monde», lâche le pasteur et théologien Serge Molla lors du vernissage de l’exposition «Martin Luther King, 50 ans après: 1968-2018», à voir jusqu’au 13 juillet à l’Espace Fusterie, à Genève. Répartis à l’intérieur du temple, une vingtaine de panneaux ainsi que de nombreuses affiches présentent non seulement la vie et les combats du pasteur baptiste américain, mais également le contexte, les enjeux de l’époque et les répercussions de sa lutte non violente.

Issu d’une famille de pasteurs, Martin Luther King a grandi dans le sud des États-Unis. «La ségrégation marque l’ensemble de la vie quotidienne. L’Église est le seul lieu où les noirs peuvent être eux-mêmes, car elle est autogérée», raconte Serge Molla. Retraçant la vie du prix Nobel de la paix entre le boycott des bus, les marches de Selma, la lutte perpétuelle pour les droits civiques et son assassinat le 4 mai 1968, le spécialiste se laisse guider par une interrogation: Martin Luther King, rêveur ou prophète du XXe siècle?

«Martin Luther King a été pris par une parole et en ce sens, il est pour moi, un témoin prophétique», explique le théologien qui fait référence au moment où King dans un instant de détresse s’est mis à prier et a entendu une voix qui lui disait: «Je ne t’abandonnerai jamais». «Il y a un avant et un après cette prière. Il n’avait pas confiance, puis il a eu confiance», souligne Serge Molla.

Et 50 ans après?

Mais que reste-t-il des combats non violents de Martin Luther King? Qu’est-ce qui a changé 50 ans après? «Même si l’actualité reste terrible pour les noirs américains, la situation a vraiment évolué en 50 ans. Notamment au niveau des lois. Les noirs peuvent vraiment voter – ils avaient le droit de vote à l’époque de King, mais tout était mis en place pour les décourager de le faire. De plus, tous les panneaux racistes et ségrégationnistes ont disparu. Par contre au niveau des mentalités, les clichés sont beaucoup plus difficiles à changer, mais les choses avancent», explique le spécialiste.

Un autre exemple: en 2009 Barack Obama a été élu président des États-Unis. «Pour certains compagnons de King, c’était inouï. Ils n’imaginaient jamais voir un président noir de leur vivant», souligne Serge Molla, qui a lui-même rencontré le père de Martin Luther King dans le cadre de ses recherches aux États-Unis. Parallèlement, des lieux de mémoire se développent dans le pays. «Il faut faire face à l’histoire, autant pour les blancs que pour les noirs. Nombre de choses sur la situation des Afro-américains, sur la ségrégation ont été occultées, elles doivent être mises en lumière», insiste Serge Molla.

Autant d’informations à découvrir au travers de l’exposition à laquelle Serge Molla a lui-même collaboré. Créés par un collectif de spécialistes, la centaine de documents est présentée dans différentes villes de France et également en Suisse. Officiellement en travaux depuis le mois de décembre, la Fusterie avait fermé ses portes. «Des questionnements par rapport au sous-sol impliquent une seconde expertise fédérale ce qui retarde le début des travaux de huit à neuf mois. Nous sommes en train de rouvrir le temple en attendant et avons choisi de présenter cette exposition», explique Henry Maudet, président du comité de la Fusterie.