Sur la route de Nairobi, le train devient une église

Sur la route de Nairobi, le train devient une église

Chaque jour, plusieurs pasteurs prêchent dans le train qui conduit les passagers au travail, dans la capitale du Kenya
Une église mobile qui rencontre un succès grandissant.

Texte et photo: Frederick Nzwili (RNS/Protestinter)

Nairobi, Kenya – Ce train de banlieue amène ses passagers au travail, mais le prédicateur à bord espère qu'il les conduira également vers Dieu. Partant de la banlieue de Ruiru, à une trentaine de kilomètres au nord de Nairobi, le train accueille depuis cinq ans de façon informelle un nombre croissant de pasteurs autodidactes et une congrégation improvisée, désireuse d'entendre l'évangile.

Au moins deux wagons se transforment en «églises» chaque jour. Les chrétiens chantent, dansent et applaudissent alors qu'ils se préparent à écouter un court sermon pendant leur trajet d'une heure. Jane Wanjiru, qui participe fréquemment au culte et prêche de temps en temps, a spécifié que beaucoup de ses compagnons de voyage ne trouveraient autrement pas le temps de prier ou d'aller à l'église.

«Dans ce cas, le train-église devient une bonne alternative», a-t-elle ajouté. Alors que le véhicule prend des passagers aussi bien dans des quartiers de la classe moyenne que dans des bidonvilles, la congrégation s’agrandit. Et au moment où il s'arrête à la gare centrale de la capitale, une multitude de personnes a été touchée par le Christ ou guérie, constatent les prédicateurs.

Des voyageurs en situation précaire

Neuf pasteurs sont au service du groupe de fidèles, dont beaucoup sont au chômage et à la recherche d'un emploi. Les autres passagers travaillent comme fonctionnaires, commerçants ou intérimaires. Les pasteurs - qui occupent d'autres emplois en parallèle du ministère des trains, une vocation non rémunérée - choisissent avec soin des sermons liés aux luttes des nombreux passagers qui souffrent de pauvreté, d’épuisement et de stress, et qui ont souvent des difficultés à payer le prix du ticket qui s’élève à 40 centimes.

«Vous devez faire la différence entre le vrai sacrifice et ce qui ne l'est pas. Dieu veut que nous fassions de vrais sacrifices», a déclaré le pasteur Benjamin Mutungi, âgé de 34 ans, prêchant lors d'un récent voyage en train. Certains des passagers ouvrent leurs propres bibles pour lire avec lui, alors que d'autres trouvent le texte sur leurs téléphones mobiles.

Avec les autres pasteurs, ils essaient de programmer leur prédication afin qu'ils ne se retrouvent pas tous dans le même train dans le but d’atteindre un maximum de personnes. «Notre démarche aide beaucoup de gens. Nous avons prié pour les malades. Nous avons également prié pour les chômeurs. Et certains ont raconté qu’ils avaient fait une découverte capitale», a expliqué le pasteur Michael Mbogo de 41 ans, qui a commencé à prêcher dans le train il y a cinq ans.

Des services complètement gratuits

Les prédicateurs ont décidé de ne pas demander d’offrande à bord pour ne pas alourdir la situation financière des nombreux travailleurs qui luttent déjà pour gagner leur vie. Benson Ndolo, un comptable qui a prêché fréquemment dans les trains, a déclaré que sa vie chrétienne avait été transformée sur la voie ferrée. «Cela m'a ouvert des portes et je suis devenue une meilleure personne ici et au travail». Julius Dzolo, un employé de bureau, a ajouté que les sermons l'aidaient à faire face au stress. «La prédication m'aide à me détendre. Si je ressens de la rancune envers mon activité professionnelle, après le sermon, je peux pardonner beaucoup plus facilement».

Quand Michael Mbogo prêche dans le train, il dit remercier Dieu d’avoir sauvé sa vie. Il y a cinq ans, un accident l'a laissé dans le coma pendant deux semaines et après il a dû se déplacer en fauteuil roulant pendant six mois. «J'ai pris la décision de le servir par la prédication», a ajouté Michael Mbogo, qui, avec ses collègues prédicateurs, a également amené le ministère au-delà du train. Trois fois par an, ils apportent de la nourriture et d'autres biens à un foyer pour enfants.

Avant son accident, le prédicateur utilisait souvent le train pour se rendre à son travail dans un hôtel de Nairobi, où il est photographe. Il avait alors vu de pauvres voyageurs monter sur le toit du train pour éviter de payer le ticket, puis mourir ou subir de graves blessures après être tombés. «J’ai imaginé que faire des prédications dans les wagons aiderait ces gens. Au début, je craignais que les autorités ne me chassent, mais quand les voyageurs ont commencé à se joindre au culte, elles l'ont aussi accepté».