Fermer un œil pour mieux tendre la main

Fermer un œil pour mieux tendre la main

Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro
Journaliste à Protestinfo, Laurence Villoz s’interroge sur les relations entre la Communion mondiale d’Eglises réformées et la Corée du Nord.

Photo: Les délégations nord et sud-coréennes réunies à Leipzig

Le jour même où Kim Jong-un annonçait dans la presse, le 4 juillet dernier, «avoir testé avec succès un nouveau missile balistique pouvant frapper tout endroit au monde», des délégués chrétiens nord et sud-coréens parlaient de paix et de réconciliation, à l’Assemblée générale de la Communion mondiale d’Eglises réformées (CMER). Lors de la plénière sur la Corée, à laquelle j’ai assisté en tant que journaliste, des membres de la Fédération chrétienne coréenne (Korean christian federation KCF), une organisation proche du gouvernement nord-coréen, et des invités du Conseil national des Eglises de Corée du Sud (NCCK) ont présenté la situation de leur pays aux participants, réunis du 29 juin au 7 juillet, à Leipzig.

Si le message de la délégation nord-coréenne, qui a refusé tout contact avec la presse, témoignait de leur profonde détresse face à une situation dramatique, il s’apparentait ouvertement à un discours de propagande contre les Américains, sans la moindre référence ni à King Jong-un ni à sa dictature. De leurs côtés, les délégués de Corée du Sud ont souligné leur profond désir de réunification et de paix. A l’issue de l’Assemblée générale, les délégués de la CMER qui rassemble 233 Eglises réparties dans plus de 100 pays ont décidé de renforcer leur soutien à la Corée en élaborant «un processus d’accompagnement œcuménique, pour la guérison, la réconciliation et la réunification de la péninsule coréenne de 2017 à 2025».

Tout ce qui a été dit lors des rencontres publiques par rapport à la situation catastrophique de la Corée et sa volonté d’être accompagnée dans un processus de paix m’a paru extrêmement adéquat. C’est plutôt tout ce qui n’a pas été abordé, ni par les délégations coréennes ni par les membres de l’assemblée qui m’a fait ressentir un étrange malaise. Peut-on réellement aider un pays à se réconcilier en occultant tout un pan de sa situation politique et sociale? Mais était-ce la seule condition pour que la délégation nord-coréenne puisse venir en Allemagne?

Depuis les années 1980, la CMER entretient des contacts avec la KCF. En septembre 2016, une délégation s’est rendue en Corée du Nord pour poursuivre le travail de réconciliation ainsi que pour apporter de l’aide humanitaire. La politique de la CMER consiste à dire qu’il est primordial de garder un contact avec la Corée du Nord. Alors que les sanctions contre ce pays ne font qu’augmenter, l’isoler davantage ne ferait qu’envenimer les choses.

Je ne sais pas si les délégués nord-coréens ont été envoyés à Leipzig par Kim Jong-un, je ne sais pas non plus s’ils adhéraient au discours qu’ils ont tenu, mais vouloir garder un lien avec eux, ne pas les abandonner me paraît nécessaire dans une perspective de justice et de paix. Tout l’enjeu consiste à ne pas oublier qu’on ferme un œil pour mieux tendre la main.