Les religions: un enjeu de pouvoir

Les religions: un enjeu de pouvoir

Toutes les religions ont utilisé des stratégies politiques et devraient procéder à leur examen de conscience. Des collusions abordées sans langue de bois lors des rencontres Café sagesses à Genève par le pasteur Vincent Schmid de la cathédrale Saint-Pierre de Genève, le Grand Rabbin Marc-Raphael Guedj et Charles Genoud, responsable du centre de méditation bouddhiste Vimalakirti.

Image: Les puissances (William Pitt et Napoléon) se partagent le monde. James Gillray, 1805.

«Il ne faut faire aucun angélisme. Par nature, toute religion a une dimension politique et le religieux gravite toujours autour du pouvoir» a reconnu Vincent Schmid, pasteur de la cathédrale Saint-Pierre à Genève lors de la troisième rencontre des cafés sagesses a l’Institut des cultures arabes et méditerranéennes ce mois de juin. Se penchant sur sa propre tradition pour réfléchir à cette double dimension, le pasteur a relaté deux interprétations très différentes du chapitre 13 de l’épître de Paul aux Romains. Dans ce passage biblique, la figure de l’apôtre Paul recommandait de se soumettre à une autorité par motif de conscience.

Cette lettre a été lue de deux façons tout à fait opposées. La manière la plus connue se résume dans la position théologique de Luther qui a vu deux règnes totalement distincts entre le gouvernement de Dieu et celui des hommes. «Une position qui est allée parfois jusqu’au cynisme» a relaté le pasteur, «lorsqu’elle a permis à Luther de se rallier à la cause des princes allemands au détriment de la justice».Une deuxième lecture a vu dans le motif de conscience l’ouverture de la perspective de l’objection de conscience et du devoir de résistance envers l’injuste. «Si l’on examine le rôle des Eglises luthériennes allemandes pendant le régime nazi on est bien forcé de constater qu’au nom de cette théorie des deux règne la majorité de ces églises se sont ralliée au régime» regrette le pasteur.

Charles Genoud, responsable du Centre de méditation bouddhiste Vimalakirti à Genève a relevé dans sa tradition des excès et des violences et a mentionné la nécessité d’avoir le courage de reconnaître les zones d’ombres avec un sujet d’actualité qui concerne la Birmanie, aux mains d’un moine totalement fanatique.

Un examen de conscience

«Il y a dans le dialogue manqué entre les trois religions des stratégies politiques non avouées pour chacune asseoir son pouvoir», a commenté le grand rabbin Marc-Raphaël Guedj. Ce pionnier du dialogue interspirituel prône «l’importance de reconnaître la violence théologique enfouie dans les textes», insistant sur le fait que «les religions doivent absolument faire leur examen de conscience afin de se délier des stratégies politiques et parvenir enfin à la rencontre entre les cœurs». Une vision partagée par Vincent Schmid qui déplore un dialogue interreligieux officiel et ronronnant. «Chacune des traditions doit se demander si son discours est pertinent avec sa génération. Une impasse alors que nous aurions besoin de théologiens en prise avec le monde tel qu’il est. Mais le plus difficile c’est de définir la société à laquelle on s’adresse, qui est liquide selon les sociologues».

Une séparation qui ne va pas encore de soi

«La séparation du politique et du religieux c’est une idée moderne mise en acte à la Révolution française. Une idée inventée pour sortir de l’emprise du religieux considéré comme plus supportable. On assiste à une remise en cause de cette séparation aujourd’hui. Nous ne sommes pas porteurs de projets pour la société, mais le religieux doit garder son potentiel de lanceur d’alerte face aux dérives qui se produisent. Il n’y a pas de politique chrétienne. Qu’un parti politique porte le nom de chrétien cela me dérange et c’est déplacé, mais en revanche il y a des chrétiens qui prennent des responsabilités et s’engagent» a conclu le pasteur.