Le Royaume-Uni boycotte une expression de Donald Trump

Le Royaume-Uni boycotte une expression de Donald Trump

Alors que Donald Trump utilise l’expression de «crime d’honneur» dans un nouveau décret anti-immigration, le Royaume-Uni veut interdire cette locution

Photo: RNS/CC Trump

(RNS/Protestinter)

Alors que les défenseurs des libertés civiles aux Etats-Unis critiquent la référence que fait Donald Trump aux «crimes d’honneur» dans un nouveau décret anti-immigration, disant qu’elle salit et cible les musulmans, une membre musulmane du Parlement du Royaume-Uni agit de façon différente. Selon elle, la phrase légitime le viol ou le meurtre. Au mois de janvier, la députée conservatrice Nusrat Ghani a proposé un projet de loi à la Chambre des communes interdisant l’utilisation du terme «crime d’honneur» dans les publications officielles.

«Le langage importe. L’utilisation du terme “honneur” pour désigner un acte criminel violent ne peut être expliquée que comme un moyen d’autojustification de l’auteur. Cela rabaisse la victime et constitue une excuse pratique pour ce que nous appelons, dans notre société, un meurtre, un viol ou un abus», a déclaré Nusrat Ghani lors de l’introduction de son projet de loi contre le crime envers les femmes, le 31 janvier.

Entre 2010 et 2014, la police du Royaume-Uni a enregistré 11’744 cas de crimes dits «d’honneur», des actes illégaux qui sont apparemment commis pour protéger ou rétablir la réputation d’une famille ou d’une communauté. Ce nombre comprend 29 homicides ou tentatives de meurtre au Royaume-Uni, ainsi que des cas de mariages forcés, de mutilations génitales féminines et de viols.

Un rapport de 2014, financé par le Département américain de la justice estime qu’entre 23 et 27 homicides dits d’honneur se produisent chaque année aux Etats-Unis. Ces chiffres doivent être pris avec prudence. «Les informations sur la violence à l’honneur sont étroitement liées aux familles. Les victimes ou les victimes potentielles peuvent ne pas signaler les agressions en raison d’une réaction familiale extrêmement négative. Il arrive également que ces personnes ne déclarent pas l’accident, car il n’est pas considéré comme un crime dans leur culture», indique le rapport.

Le danger du politiquement correct

Si certains observateurs considèrent l’utilisation par Donald Trump du terme «crimes d’honneur» comme une tentative de politiser de tels actes aux Etats-Unis, certains députés du Royaume-Uni voient l’utilisation de cette phrase comme une forme de «politiquement correcte» dangereuse employée pour ne pas se pencher sur les crimes dans les milieux issus de l’immigration.

Le député conservateur Philip Davies, qui s’est opposé au projet de loi sur la criminalité proposé par Nusrat Ghani en raison de son titre genré, a néanmoins accepté ce qu’il a décrit comme «son désir de s’attaquer à la culture du politiquement correct qui emprisonne parfois les relations avec certaines cultures et qui peut être particulièrement dommageable».

Selon Nusrat Ghani, «les termes supposent que la violence, contre les femmes en particulier, est culturellement délicate — une sensibilité qui permet à l’auteur d’utiliser une contrainte supplémentaire pour empêcher la victime de demander de l’aide et d’intimider les autorités pour éviter qu’elles ne poursuivent ces crimes violents». Elle accuse les responsables de l’application des lois britanniques d’être «réticents à s’attaquer à la violence domestique dans les communautés minoritaires, de peur d’être accusés de racisme ou de provoquer des troubles communautaires».

Bien que les soi-disant «crimes d’honneur» soient souvent affiliés à l’islam dans la presse et selon la perception populaire, Rosemary Gartner et Bill McCarthy, auteurs de l’ouvrage «Oxford Handbook of Gender, Sex and Crime» (Manuel sur le genre, le sexe et le crime) relèvent que ces crimes existaient dans les traditions tribales préislamiques et ne font pas partie de la charia.

Sans liens avec l’islam

Ils citent des recherches menées par Dietrich Oberwittler et Julia Kasselt à l’Institut Max Planck en Allemagne. Ces chercheurs ont documenté les crimes d’honneur au sein des communautés chrétiennes et sikhes mondiales et noté une quasi-absence de tels crimes dans les pays à majorité musulmane, dont le Sultanat d’Oman, l’Algérie et la Tunisie.

Environ 2,8 millions de musulmans vivent en Grande-Bretagne, selon des chiffres récents du recensement. Près de la moitié des musulmans britanniques sont nés au Royaume-Uni et 68% sont ethniquement Asiatiques ou britanno-Asiatiques, principalement de descendance pakistanaise, bangladaise et indienne, selon un rapport publié en 2015 par le Conseil musulman d’Angleterre.

En présentant son projet de loi au Parlement, Nusrat Ghani a cité le cas de Sarbjit Kaur Athwal, une femme sikhe britannique d’ascendance indienne qui a dit à la députée qu’elle avait été battue et terrorisée par son mari au Royaume-Uni. «Elle a appelé un centre d’aide contre le crime ainsi que la police. Mais après que ses déclarations aient été prises, elle a été renvoyée à la maison auprès de ses agresseurs parce qu’il s’agissait que d’un “malentendu culturel”», a expliqué Nusrat Ghani à propos du cas de Sarbjit Kaur Athwal.

«Sarbjit Kaur Athwal a été réduite à se rendre dans un temple, tombant à genoux et demandant l’aide de dirigeants communautaires. Et encore une fois, elle a été renvoyée à la maison et a dit avoir pensé à l’honneur de sa famille. Elle était prise au piège et une fois que les autorités auxquelles elle faisait confiance l’ont laissé tomber, elle n’a eu personne vers qui se tourner.

Sarbjit Kaur Athwal dirige désormais True Honor, une association caritative de Grande-Bretagne qui soutient les victimes de “violence fondée sur l’honneur”, le mariage forcé et les mutilations génitales féminines. En plus d’interdire l’utilisation du terme “crime d’honneur” dans les publications officielles, le projet de loi de Nusrat Ghani, qui devrait passer en deuxième lecture à la Chambre des communes le 24 mars, exigerait que le gouvernement britannique aide à rapatrier les femmes victimes de violences domestiques aggravées ou de meurtres à l’étranger et de poursuivre les citoyens britanniques qui commettent de tels crimes étrangers.