Amnesty International tire la sonnette d’alarme

Amnesty International tire la sonnette d’alarme

Amnesty International a présenté son rapport annuel mardi matin à Paris. Pour l’ONG, les discours déshumanisants se sont généralisés durant l’année 2016. Un tournant inquiétant pour l’avenir.

Photo: Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, présente le rapport 2016-2017 de l’organisation

Par Noriane Rapin, Paris, en partenariat avec «Réforme» hebdomadaire protestant d’actualité

«L’année 2016 a été salie par le mépris des droits humains.» Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, a dressé un constat alarmant et pessimiste lors de la présentation du rapport annuel 2016-2017, mardi dernier à Paris. Pour la première fois de son histoire, Amnesty International tenait la conférence de lancement en dehors de son quartier général de Londres. Le choix de la France n’était pas un hasard: il s’agissait pour l’ONG de signifier son inquiétude face aux dérives sécuritaires et idéologiques qui menacent un pays pourtant fondé sur la Déclaration des droits de l’homme.

En effet, l’Europe entière semble avoir largement adopté en 2016 des discours jusqu’ici réservés à une frange extrémiste. Selon John Dalhuisen, directeur du bureau régional Europe et Asie centrale de l’ONG, «les partis dits centristes ont accepté des actions qui bafouent les Droits de l’homme. La violation n’est plus niée, mais réclamée.» Il a souligné le lien entre la crainte du terrorisme, la politique de migratoire restrictive et une série de mesure aux conséquences dramatiques, telles que la normalisation de l’état d’urgence en France ou l’accord illégal entre l’Europe et la Turquie pour le renvoi des migrants. «C’était l’Europe en 2016: les perspectives pour 2017 et les années à venir sont terrifiantes.»

Un contexte mondial instable

Si la situation en Europe s’est considérablement dégradée, l’instabilité du contexte mondial devient aussi de plus en plus préoccupante pour Amnesty International. Selon son secrétaire général, l’indifférence internationale est devenue la norme face aux massacres et aux exactions. Il a listé quelques-unes des nombreuses guerres et persécutions en Syrie, en Birmanie, aux Philippines ou au Soudan du Sud qui sont passées quasi-inaperçues dans le reste du monde.

Les mesures prises par le président Trump ont également été évoquées. Il n’est pas seulement significatif que les Etats-Unis, pays d’immigrés par excellence, ferme ses frontières aux réfugiés: aux yeux de Salil Shetty, les décrets anti-immigration sont également illégaux, profondément discriminatoires et surtout dangereux. «Nous avons atteint le stade où la ligne rouge n’existe plus», assène-t-il. «Presque aucune action ne semble trop horrible ou indéfendable pour être commise. On peut désormais concevoir un avenir inhumain, où la brutalité sera devenue la norme. Les dirigeants du monde entier ont choisi la politique de la diabolisation ou ont capitulé devant elle.»

Et en Suisse?

Dans la page du rapport consacrée à la Suisse, Amnesty International s’inquiète du respect du droit des migrants dans notre pays. Il est notamment fait mention du renvoi forcé illégal («push-back») en Italie de milliers de requérants d’asile et de la violence disproportionnée à laquelle recourt la police pour certaines expulsions. Mais le rapport se fait aussi l’écho d’aspects plus positifs ou que les autorités s’emploient à améliorer: l’aide juridique gratuite pour les demandeurs d’asile les plus vulnérables, ou diverses enquêtes officielles visant à éclaircir des situations où les droits individuels n’auraient pas été respectés.