La majorité des articles en ligne sur le suicide sont incitatifs

La majorité des articles en ligne sur le suicide sont incitatifs

Un rapport sur la médiatisation du suicide de l’association Stop Suicide, publié début février, met en évidence que 74% des dépêches traitant cette thématique sur internet contiennent des éléments incitatifs. Définir en détail la méthode utilisée a des conséquences désastreuses sur un lecteur vulnérable.

Photo: CC (by) Ted Van Pelt

Le 74% des articles sur le suicide publié par les principaux sites romands d’information en 2015 sur internet contenaient des éléments incitatifs, révèle un rapport de Stop Suicide sur la médiatisation du suicide, début février. L’association pour la prévention du suicide chez les jeunes a examiné 282 articles parus en 2015 sur les sites de 20 minutes, Le Matin, 24 heures, La Tribune de Genève, Le Temps, Arcinfo, RTS Info, Swissinfo et La Liberté et les a comparé avec ceux publiés dans la presse papier en 2013. Les principaux résultats montrent une évolution paradoxale, d’un côté le nombre d’articles incitatifs a augmenté, mais le nombre de textes préventifs est également plus élevé.

Sur internet, il y a moins de filtres. Certains médias y postent des articles qu’ils n’auraient jamais publiés en version papier.

«Sur internet, il y a moins de filtres. Certains médias y postent des articles qu’ils n’auraient jamais publiés en version papier, notamment au niveau de l’information transnationale qui est parfois traitée avec moins de prudence que lorsqu’il s’agit d’un fait local», constate Irina Inostroza, chargée de projet chez Stop Suicide, qui ajoute que de nombreuses études ont montré que le traitement médiatique de ces événements peut faire augmenter le taux de suicide au sein de la population. Parmi ces éléments, «le fait de citer la méthode utilisée en expliquant les détails ou encore de présenter l’acte comme le résultat d’une cause unique de façon sensationnaliste peut avoir des conséquences importantes sur le lecteur à tendances suicidaires».

Un mécanisme d’identification

«Le mécanisme opère sur un effet d’identification. S’il s’agit du décès d’une star, une personne vulnérable aura tendance à se dire: ‘pourquoi devrais-je encore me battre alors que même cette vedette qui avait tout pour être heureuse a mis fin à ses jours’. On remarque également une identification par rapport à la tranche d’âge, notamment chez les jeunes», explique Irina Inostroza. «De plus, en expliquant la méthode utilisée, on offre une sorte de mode d’emploi. Les journalistes devraient toujours garder à l’esprit qu’ils écrivent également pour des personnes qui ont déjà eu des idées suicidaires».

Mais il ne s’agit pas de censurer cette thématique dans les médias, au contraire. «Un article qui raconte l’histoire d’un individu qui finalement a renoncé à mettre fin à sa vie va inciter une personne en détresse à chercher de l’aide. Tout comme un article qui relate un suicide en mettant l’accent sur le deuil des proches et les causes multiples qui ont poussé la personne à cet acte», souligne la spécialiste qui invite les médias à signaler des ressources d’aide spécifique en marge du texte. En 2015, 30% de tous les articles analysés ont mis l’accent sur la complexité des causes contre 22% en 2013. «Cette amélioration montre l’importance du travail de prévention».

Toutefois, la volonté d’aborder cette thématique de façon éthique peut entrer en conflit avec le souci d’objectivité du journaliste. Depuis cinq ans, Stop Suicide collabore avec les différents médias romands pour sensibiliser les rédactions aux impacts du traitement de ce genre de sujets. «Le souci d’objectivité pose la question de la limite de ce qui doit être dit ou tu. La peur de cacher des informations est palpable. D’ailleurs, dans certaines situations, comme en prison, il est particulièrement compliqué pour les journalistes de ne pas mentionner la méthode», précise Irina Inostroza.

Trouver de l'aide

143 La Main Tendue et 147 Ligne d’aide pour jeunes: ces deux lignes offrent une écoute gratuite personnalisée qui aide à surmonter les situations de mal-être et à apporter un soutien psychologique.

022 372 42 42 Ligne ados de Malatavie (HUG-Children Action): une écoute gratuite et confidentielle pour les adolescents ou les jeunes adultes concernés par le suicide, et leurs proches.

www.ciao.ch, un site d’information pour les jeunes de 13 à 20 ans (service de questions-réponses, anonyme et gratuit).

Les chiffres

- plus de 1000 personnes se suicident chaque année en Suisse
- un jeune se suicide tous les trois jours
- ¾ des jeunes qui commettent ces actes sont des hommes