Inquiétude des Eglises face à la RIE III

Inquiétude des Eglises face à la RIE III

Les Eglises réformées ne prennent pas position sur la réforme de l’imposition des personnes morales sur laquelle la Suisse votera dimanche. Si elles soutiennent la volonté d’aller vers plus d’équité tant au niveau national qu’international, elles soulignent aussi le coût social de la réforme.

«Les économies dans certains domaines sociaux peuvent-elles se justifier éthiquement par les objectifs de la RIE III (troisième réforme de l’imposition des entreprises), à savoir l’exigence d’équité dans la concurrence internationale, ou le remède à une injustice au niveau international doit-il se payer au prix d’une nouvelle injustice au niveau national?» et «Quelle est la justification éthique du déplacement, des entreprises vers les citoyens, des charges financières que représente le financement des obligations d’intérêt général? Comment l’Etat justifie-t-il une stratégie qui vise à décharger toujours plus les entreprises de leurs obligations envers le bien commun?», telles sont quelques-unes des questions que la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) invite les votants à se poser en vue du scrutin de dimanche.

Dans sa réflexion théologique, la FEPS propose une analyse de ce sujet très technique. «Premièrement, au niveau international, la mise en œuvre, par la Suisse, des conventions destinées à supprimer les niches fiscales est une contribution importante à l’établissement de l’équité dans la concurrence. Deuxièmement, au niveau national, le RIE III contribue à l’abolition de l’inégalité de traitement entre les entreprises étrangères et indigènes», analyse le document. Mais ces objectifs louables ne font pas oublier que «la RIE III représente donc en quelque sorte une facture sans proposition de financement.» Dans un communiqué, l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) résume: «Ce projet contient une dimension d’égalité de traitement positif et des zones d’ombre.»

Menace sur le financement des Eglises

Soulignant que le projet de RIE III manque de clarté concernant l’impact fiscal de la réforme, les Eglises réformées craignent des coupes importantes dans les prestations. «L’argumentaire principal – parfois exclusif – des défenseurs de ce nouveau mode d’imposition repose sur l’attractivité fiscale de la Suisse. Le Conseil synodal synodal est convaincu que l’attrait de notre pays ne se résume pas à ce facteur. Sont tout aussi décisive la qualité de vie offerte aux personnes s’y installer, la paix du travail et la performance de ses infrastructures et institutions publiques», écrit l’exécutif de l’Eglise évangélique réformée du canton de Fribourg. Qui souligne aussi qu’entre accompagnement spirituel et social, transmission de valeurs de référence, renforcement de la vie communautaire et rôle culture, les Eglises reconnues sont à compter parmi ces institutions.

Les questions ecclésiales étant de compétence cantonale, l’impact de la réforme sur ses Eglises reconnues variera d’un canton à l’autre. En Suisse romande, seules les Eglises fribourgeoises bénéficient d’un impôt ecclésiastique sur les personnes morales. Dans les autres cantons soit les Eglises touchent un financement cantonal (VD) ou communal (VS) sans lien direct avec l’impôt, soit les contributions volontaires (GE et NE) ou les impôts ecclésiastiques ou paroissiaux (BE et JU) ne s’appliquent qu’aux personnes physiques.

«Si l’on en croit les opposants, le “oui” impliquerait une forte diminution des rentrées fiscales provenant des entreprises, ce qui pourrait amener le canton, et, par effet domino aussi les communes à revoir à la baisse leurs divers engagements», s’inquiète toutefois Robert Burri, président du Conseil synodal de l’Eglise réformée évangélique du Valais, soulignant qu’une baisse des rentrées fiscales pourrait toucher également les Eglises dont le financement ne dépend pas de l’imposition des entreprises. Une crainte que partage la FEPS: «Même des Eglises cantonales et des paroisses qui actuellement ne tirent aucun profit de l’impôt sur les personnes morales risquent de subir les conséquences de la diminution des revenus fiscaux, dans le cadre de la péréquation financière entre Eglises cantonales, ou entre paroisses à l’intérieur d’un canton.»

Interview en direct

Pierre-Philippe Blaser, sera l’invité de la rédaction de Protestinfo pour une interview au sujet de la RIE III à suivre et à commenter en direct sur Facebook et Periscope demain mardi 7 février vers 10h. Les meilleurs moments de cet entretien vous seront proposés mercredi sur notre file.