Daniel Nagy, victime d’une procédure expéditive… ou de lui-même?

Daniel Nagy, victime d’une procédure expéditive… ou de lui-même?

Maltraité par les ressources humaines ou entêté dans un projet irréaliste. Ce sont ces deux réalités qui ont été dépeintes durant les plaidoiries devant le tribunal des prud’hommes dans une affaire opposant un pasteur licencié à l’Eglise réformée vaudoise.

Photo: Le tribunal d’arrondissement de Montbenon CC(by-sa) Brent Ozar

Par Joël Burri

Deux perceptions très différentes des évènements ont été présentées au Tribunal des prud’hommes de Lausanne, mercredi soir, lors de la troisième soirée d’audience dans le conflit de travail opposant l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) à Daniel Nagy, pasteur licencié en 2014, aujourd’hui employé par l’Eglise réformée fribourgeoise. Durant cette dernière audience, les avocats ont présenté leurs plaidoiries.

Le ministre et son avocat ont présenté une procédure expéditive dans laquelle l’Office des ressources humaines (ORH) de l’EERV a exigé en août 2014 que Daniel Nagy, alors pasteur à Gryon, se décide en dix jours à prendre un poste avec obligation de résidence à la Vallée de Joux pour le 1er septembre. Une offre qui «n’était pas sérieuse», selon l’intéressé qui a alors demandé un délai. Comment peut-on «imposer à quelqu’un avec quatre enfants d’organiser en dix jours un déménagement à l’autre bout du canton avec un genou en compote?», s’est interrogé Christophe Tafelmacher, avocat de Daniel Nagy, rappelant que son client était d’une part en congé parental et d’autre qu’il sortait à peine d’un congé maladie à la suite d’une opération du genou.

Mais pour la partie adverse, la réalité dépeinte est toute autre. Olivier Subilia, avocat de l’EERV, a pointé «l’aveuglement» de Daniel Nagy, incapable de prendre la mesure de la situation. Et son entêtement à n’envisager que des solutions qui lui avaient pourtant été refusées. Faisant un rappel chronologique de toutes les propositions et mesures prises par l’ORH et le Conseil synodal (exécutif de l’Eglise) depuis 2012 déjà, il a présenté un Daniel Nagy refusant systématiquement toutes les solutions concrètes qui lui étaient présentées. Dans cette vision du conflit, la décision d’août 2014 n’est alors que l’aboutissement d’une longue procédure où tout a été fait pour proposer une solution au pasteur et à sa nombreuse famille.

Alors qu’une situation conflictuelle minait la paroisse des Avançons (Bex, Gryon et environs), le Conseil synodal a choisi de déplacer les deux ministres et de renouveler le Conseil paroissial. Daniel Nagy ne s’est jamais opposé à cette mesure, mais il a vécu la proposition qui lui était faite de partir à la Vallée de Joux, à plus de 100km comme une punition. Il souhaitait pour sa part un poste d’aumônier, plus proche et qui lui aurait permis d’acquérir une nouvelle expérience après une expérience en paroisse difficile. «Nous ne voulions pas lui proposer de poste d’aumônier, qui nécessite une plus grande stabilité émotionnelle», rétorque Nicolas Besson responsable de l’ORH. «Nous avons cherché des postes dans lesquels il aurait pu être soutenu soit par un collègue pasteur expérimenté, soit par un responsable de région solide. L’analyse des postes faite à ce moment-là ne laissait que les propositions qui lui ont été faites», explique le responsable.

Sur le plan formel, maître Tafelmacher estime qu’il a manqué un préavis et qu’une version antérieure du Règlement ecclésiastique donnant moins de pouvoir à l’ORH aurait dû être appliquée. Mais maître Subilia souligne qu’il ne s’agit pas d’un licenciement pour faute, mais d’un refus de modification de contrat, les procédures ont donc été respectées, selon lui.

Le tribunal communiquera le verdict aux parties dans les trois semaines.