Benzène: qui arrêtera l’hécatombe?

Benzène: qui arrêtera l’hécatombe?

L’utilisation du benzène dans la fabrication des téléphones portables serait à l’origine d’environ 100'000 décès à ce jour rien qu’en Chine. En Suisse, les revendeurs principaux n’assument pas toujours leurs responsabilités.

Photo: CC(by) Jason Howie

Selon une étude réalisée en Chine par des organisations actives dans le droit du travail, l’utilisation du benzène dans la fabrication des téléphones portables aurait des conséquences dramatiques. Du fait de son extrême toxicité, ce solvant serait à l’origine d’environ 100'000 décès à ce jour, rien qu’en Chine. Bien que la loi chinoise exige des entreprises qu’elles signalent les risques à leurs employés, le manque d’informations données aux ouvriers, les protections insuffisantes et les trop rares contrôles médicaux expliquent ce chiffre très élevé.

Les principaux revendeurs de téléphones de Suisse se soucient-ils des conditions de production? C’est ce qu’ont voulu savoir les œuvres d’entraides chrétiennes Pain pour le prochain et Action de carême dans le cadre de leur campagne commune «High Tech - No Rights». «L’électronique est un domaine qui prend de plus en plus d’importance, et où les enjeux au niveau du droit du travail et des droits humains sont bien présents», souligne Chantal Peyer, responsable du dossier économie éthique chez Pain pour le prochain. «Il faut sensibiliser les gens à cette problématique.» Ils ont donc interpelé les quatre principaux revendeurs en Suisse (à savoir Swisscom, Sunrise, Salt et Mobilezone) sur leur politique concernant le benzène et son utilisation.

En effet, les principes directeurs de l’ONU, entre autres directives internationales, stipulent que les revendeurs sont co-responsables du respect des droits humains lors de la production. Malgré cela, les deux organisations se disent déçues des résultats des entretiens menés: selon ces derniers, seul Swisscom envisagerait des mesures et Sunrise se dirait ouvert à la discussion. Salt et Mobilezone refuseraient d’assumer une responsabilité dans la chaîne de production.

Des politiques très différentes

Interrogés, les revendeurs offrent des réponses contrastées. «Nous prenons ce sujet très au sérieux. Nous sommes le seul opérateur de télécommunications suisse membre de la GeSI, la Global e-Sustainability Initiative», précise Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom. «En matière de chaîne d’approvisionnement équitable, nous misons sur des coopérations internationales. Dans le cadre du réseau Joint Audit Cooperation (JAC), nous menons, depuis 2010, avec 12 autres opérateurs de télécommunications du monde entier, plus de 200 audits chez des fournisseurs installés dans 22 pays.»

De son côté, Sunrise affirme demander de ses fabricants qu’ils respectent le code de conduite de l’EICC (Electronic Industry Citizenship Coalition), qui prévoit entre autres pour les ouvriers de l'usine des formations pour les produits chimiques toxiques. Mais cela ne suffit pas. «Swisscom et Sunrise ont une approche très différente du problème», analyse Chantal Peyer. «Sunrise invoque l’EICC, mais cette organisation ne concerne que les fabricants. Les revendeurs n’ont pas le droit d’en faire partie. C’est une manière de renvoyer le problème aux fabricants, de dire que des normes internationales existent et que c’est à eux de les respecter.»

Chez Mobilezone, on affirme ne pas connaître l’existence de la GeSI, mais on souligne la volonté d’engager une réflexion au sujet du benzène. Enfin, Salt n’a pas répondu à nos sollicitations.

Les alternatives existent

Comment se fait-il que, malgré les multiples organismes internationaux qui surveillent les fournisseurs d’électronique, le nombre de morts soit encore aussi élevé? «Dans le cas du benzène, il s’agit de l’interdire et de le remplacer par des produits moins cancérigènes», souligne Chantal Peyer. «C’est une question de politique de la part des revendeurs. Or, Il n’y avait pas cette clarté lorsque nous avons enquêté, pas même chez Swisscom.»

Une pétition a ainsi été lancée par Pain pour le prochain et Action de carême: à travers elle, les consommateurs peuvent exiger des revendeurs qu’ils se positionnent publiquement contre l’usage du benzène dans la fabrication des téléphones. Daniela Renaud, responsable de la campagne, précise que des alternatives existent, peu coûteuses et plus respectueuses de la personne humaine: «Elles coûteraient moins d’un franc supplémentaire par appareil».