Les évangéliques sont passés de «naïfs» à «conquérants»

Les évangéliques sont passés de «naïfs» à «conquérants»

A l’occasion de ses dix ans, le Réseau évangélique suisse a publié une étude sur la perception des évangéliques dans les médias et dans la société en Suisse romande

«L’étude des mouvements religieux m’a appris depuis longtemps que les perceptions comptent au moins autant que la réalité», écrit l’historien des religions Jean-François Mayer dans L’évolution des chrétiens évangéliques et leur perception en Suisse romande. Le fondateur de l’institut Religioscope et du site d’information Religion.info a, en effet, été mandaté pour mener cette étude à l’occasion des dix ans du Réseau évangélique suisse (RES).

«Sans les ressources pour mener un sondage auprès d’un échantillon représentatif de la population suisse, il parut judicieux de prêter attention à l’évolution du discours sur les évangéliques dans les médias en Suisse romande», écrit le chercheur pour expliquer sa démarche. Il ouvre ainsi sa réflexion par un prologue dans lequel il revient sur quelques archives des années 1950 et 1960 faisant écho aux campagnes d’évangélisation menées par l’Américain Billy Graham ou le Canadien Leighton Ford. Les commentateurs de l’époque étaient partagés entre une critique de «la médiocrité intellectuelle» et l’admiration des «qualités techniques» de ces prédicateurs.

Croissance et dynamisme mis en avant

Mais le thème de la croissance des communautés évangéliques prend ensuite le dessus dans le discours médiatique, souvent en contrepoint avec l’essoufflement des Eglises réformées et catholiques. «La perception d’une poussée évangélique semble être devenue un thème en Suisse romande dans les années 1980. Dans les années 1970, la présence évangélique n’était pas ignorée, mais elle passait au second plan des interrogations plus générales posées par les nouvelles formes de religiosité et les nouveaux courants religieux», écrit Jean-François Mayer qui constate aussi que l’évolution des relations entre évangélique et Eglises historiques «se prête moins à de gros titres.»

Dans une deuxième partie, l’auteur propose une série de mots-clés souvent associés aux évangéliques dans le discours médiatique et en analyse l’évolution. Amérique, conquérant, politique ou normalisation font par exemple partie de cette liste.

«Quand les médias s’interrogent sur le succès des évangéliques, ils n’insistent guère sur l’attrait du message de l’Evangile tel que ceux-ci le proclament. Ils notent la qualité de l’accueil et l’atmosphère chaleureuse des communautés. Le caractère vivant des cultes est souligné», constate le chercheur au sujet de la thématique de la communauté. Mais quand il s’agit d’aborder la question morale, Jean-François Mayer constate que les évangéliques sont perçus comme «modernes dans la forme, mais pas sur le fond.»

Peu de reproches liés au prosélytisme

«Je m’attendais à voir le mot “prosélytisme” revenir plus souvent, d’autant plus que le secrétariat du RES a le sentiment que ce reproche est fréquemment adressé aux évangéliques», note Jean-François Mayer qui analyse: «l’action évangélique en Suisse romande, ces dernières années, ne se trouve pourtant pas constamment associée à la notion d’un prosélytisme lourd ou insistant.»

Dans la dernière partie de son ouvrage, Jean-François Mayer constate que «le suivi de l’actualité suisse alémanique met en évidence une différence avec la Suisse romande: même si des groupes évangéliques y sont implantés solidement et de longue date, le traitement du sujet s’accompagne plus fréquemment de controverses, dont les médias se font l’écho.» L’historien constate aussi que les interlocuteurs de médias sur la question évangélique sont des chercheurs «en Suisse romande, il n’y a pas actuellement de figure publique notable et fortement présente dans les médias qui polémique régulièrement contre “les sectes” ou “les évangéliques”».

Références de l'ouvrage:

Jean-François Mayer, L’évolution des chrétiens évangéliques et leur perception en Suisse romande, RES Réflexion n° 7, Réseau évangélique suisse, 12 fr, 84 pages.