La parabole du fer à bricelets

La parabole du fer à bricelets

Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro.

Joël Burri, responsable de Protestinfo, s’est laissé inspirer par une métaphore entendue lors du dernier synode vaudois.

«Pour certains, la paroisse est comme un fer à bricelets. On le range dans une armoire et on ne le sort que pour les grandes occasions, baptême, mariage, service funèbres», a déclaré Josette Guignard, présidente du Conseil de la paroisse Vaulion-Romainmôtier, lors du discours qu’elle a prononcé devant le dernier Synode de l’EERV qui se réunissait dans sa paroisse.

Pour de nombreux paroissiens, il ne fait nul doute que l’Eglise est là pour les moments de joie, comme pour les coups durs, de façon aussi sûre que le fer à bricelets se trouve à la cuisine dans le buffet du bas. Ce n’est pas parce qu’il n’en sort qu’une ou deux fois par année, que l’on n’aime pas les bricelets. Un témoignage de confiance plutôt réjouissant.

Bien sûr, les fidèles s’attristent de voir les bancs d’églises si clairsemés. Mais comme le souligne le conseil de paroisse Romainmôtier-Vaulion au travers de sa liste des différents types de paroissiens que l’Eglise sert, l’institution n’est pas là que pour les piliers de temple!

Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai utilisé mon fer à bricelets, mais n’allez pas me l’abîmer. Même pas sûr que je le prêterais, si on me le demandait! Il a une valeur sentimentale: il a appartenu à ma grand-mère.

De la même façon, les paroissiens qui voient leur Eglise comme un fer à bricelets tiennent à leur paroisse. La sociologue Grace Davie l’a montré en étudiant les mutations de la religiosité en Europe. «Ce ne sont pas les croyants les plus fervents qui sont le plus dérangés lorsque l’on vend un temple ou que l’on détourne les objets du culte», avait-elle expliqué en cours. «Pour eux, ce ne sont que des accessoires, ce qui importe c’est leur relation à Dieu. Par contre, les chrétiens non pratiquants peuvent être vraiment choqués.» Dans «Religion in Modern Europe», Grace Davie développe la thèse de la religion vicariale: la foi individuelle laisse place à un besoin que quelqu’un croie pour moi.

Dans une Eglise historique, les fidèles doivent apprendre à partager leur institution avec le reste de la société qui a aussi des attentes envers elle. Un panier de bricelets est fait pour être partagé. Mais ceux qui s’activent en cuisine doivent garder la liberté de changer parfois la recette. Un sacré défi.