L’Eglise mennonite se déchire autour des questions LGBT

L’Eglise mennonite se déchire autour des questions LGBT

Il y a un an, l’Eglise mennonite des Etats-Unis était l’un des nombreux groupes chrétiens qui devaient gérer les dissensions causées par le débat sur la place des gays et des lesbiennes dans l’Eglise. Aujourd’hui, il n’y a plus lieu de parler de dissension, mais d’éclatement. La division a atteint les plus hauts niveaux de la hiérarchie, puisqu’un membre de la direction de la dénomination a démissionné après avoir officié lors du mariage de deux lesbiennes, en violation des règles de l’Eglise.

Photo: Le 21 mai, le pasteur Isaac Villegas a officié lors du mariage d’un couple de lesbiennes. ©Dan Scheirer/RNS

, RNS/Protestinter

Ces dernières années, trois des 20 conférences régionales de la dénomination ont décidé de prendre des distances avec le mouvement en raison de ce qu’elles considéraient l’homosexualité comme un péché. Réduisant ainsi de 17% le nombre de mennonites et réduisant de moitié le nombre de congrégations. Sans compter les congrégations membres d’autres conférences régionales qui ont également quitté le mouvement. Tout cela a ramené la dénomination à quelque 73'000 membres et 600 congrégations.

Dans le même temps, deux autres conférences sont allées dans la direction opposée en accueillant les personnes LGBT. L’été passé, la Conférence centrale a consacré pasteur un homme gay, alors que la Conférence de l’Ouest a déclaré que ses ministres pouvaient officier des mariages de couples de même sexe sans craindre de représailles.

Officiellement, l’Eglise mennonite des Etats-Unis maintient que le mariage se célèbre entre un homme et une femme, mais son règlement ecclésial limite ses possibilités de faire respecter une discipline par ses membres régionaux. «Nous avons un problème avec l’homosexualité, mais aussi avec notre gouvernance qui ne place l’autorité nulle part», analyse Allen Lehman, administrateur de la Conférence de Franklin, qui a décidé, en avril, de se retirer de l’Eglise mennonite des Etats-Unis. Cette conférence compte 14 congrégations et 1000 membres.

Le 21 mai, le révérant Isaac Villegas, pasteur de la paroisse mennonite de Chapel Hill (Caroline du Nord), a officié lors du mariage d’un couple de lesbiennes. Deux jours plus tard, il a démissionné de son siège au Conseil exécutif de la dénomination. Dans une lettre ouverte, il a écrit: «J’espère que bientôt nous n’enseignerons plus que le désir homosexuel est un péché; que bientôt nous laisserons nos Eglises bénir ceux qui souhaitent se marier, qu’ils soit gays ou hétéros.»

La conférence de Virginie, dont Chapel Hill fait partie, a suspendu l’ordination de Isaac Villegas. La conférence doit se réunir pour décider quelles mesures additionnelles seront prises. Cela pourrait aller jusqu’à la révocation de son ordination.

Mais Isaac Villegas a le plein soutien de sa congrégation, dans laquelle il continue à servir comme pasteur. Et, autre signe de la fracture grandissante au sein du mouvement mennonite, deux représentants de congrégation membres de la Conférence de Virginie se sont rendus à Chapel Hill pour exprimer leur soutien.

Les questions liées à la sexualité ont touché le mouvement depuis qu’il s’est créé par le fusion de deux dénominations en 2002. En 2013, elles ont été particulièrement vives, lorsque la Conférence des Montagnes Rocheuses a licencié un pasteur gay.

Au moins 16 congrégations ont quitté la dénomination en 2014 et la Conférence des états du Golfe (Texas, Louisiane, Mississippi, Alabama, et Floride) a échoué de peu avec une proposition de départ. Lors de la convention biennale de la dénomination l’an passé, les délégués ont réaffirmés les standards sexuels du mouvement tout en approuvant une résolution appelant à «la grâce, l’amour et la tolérance sur les conférences, les congrégations et les pasteurs qui au sein de notre corps, cherchent de manières différentes à être fidèle à notre Seigneur Jésus-Christ sur les questions relatives aux unions de couples de même sexe.» Patricia Shelly, modératrice de la de dénomination, a reconnu que les deux actions pouvaient sembler contradictoires. «La ligne directrice que les délégués ont fixée, est de fonctionner avec les tensions», a-t-elle analysé.

La Conférence du Nord, l’une des plus petites avec dix congrégations, a alors décidé de quitter la dénomination, puis la plus grande à Lancaster (Pennsylvanie) a aussi voté son départ. L’automne dernier, Evana, organisation alternative menée par plusieurs d’anciens responsables de congrégations de l’Eglise mennonite des Etats-Unis, s’est créé et est rapidement devenue une option attractive pour ceux qui recherchaient de nouvelles affiliations.

Selon Patricia Shelly, plusieurs autres conférences débattent de leur futur alors que les responsables de la dénomination prennent des positions stratégiques. «Nous nous préparons à devenir une plus petite dénomination et cela soulève de nombreuses questions», explique Patricia Shelly.

«Mennonite World Review», un journal indépendant a même suggéré de démanteler l’Eglise mennonite des Etats-Unis pour la remplacer par une alliance organisée de façon moins stricte. «En période de perte de fidélité et de conflits grandissants, les dénominations telles que nous les connaissons pourraient bien ne plus être gérables financièrement et émotionnellement», écrit l’éditorialiste.

L’auteur propose donc de remplacer ces grands mouvements par des alliances moins fortes, basées sur les seuls principes fondamentaux de la foi chrétienne. Une telle organisation ne serait pas en place «pour juger si les autres sont trop stricts ou trop souples, et décider que faire avec ceux qui ont tort.» En outre, «une telle organisation n’aurait pas à mener de batailles au sujet de la sexualité, qui occupent les dénominations et les détournent de la Mission.»