«Les enjeux économiques, écologiques et spirituels concernent autant le Sud que le Nord»

«Les enjeux économiques, écologiques et spirituels concernent autant le Sud que le Nord»

Bernard Du Pasquier reprendra les rênes de Pain pour le prochain (PPP) à partir du 1er septembre prochain
Après avoir travaillé pendant huit ans à l’Entraide protestante, ce théologien originaire du canton de Neuchâtel a rejoint les bureaux de PPP en 2012, à Berne. A 43 ans et père de trois filles, Bernard Du Pasquier expose à Protestinfo sa vision d’avenir pour l’organisation caritative.

Photo: Bernard Du Pasquier © PPP

En tant que futur directeur souhaitez-vous apporter des changements à PPP?

J’aimerais accentuer certaines dimensions. Par exemple, je souhaiterais que PPP montre plus clairement que les thématiques pour lesquelles nous nous engageons depuis toujours au Sud sont tout aussi pertinentes au Nord. Par exemple, la question du droit à l’alimentation, de la souveraineté alimentaire, ne consiste pas uniquement à aller aider les personnes qui vivent dans les pays du Sud. La Suisse est également confrontée à ce problème.

Un autre exemple concerne les multinationales. Si PPP soutient actuellement l’initiative populaire «pour des multinationales responsables», c’est aussi pour montrer que le manque de cadre concernant les activités des multinationales suisses a des répercussions au Sud, mais touche également le Nord.

Par ailleurs, PPP doit également mettre en valeur le fait qu’il existe des initiatives ici comme au Sud qui sont porteuses d’espoir. La société civile prend conscience que nos modes d’économie, de consommation et d’alimentation ne sont pas durables et cherche des alternatives. Et j’aimerais bien que PPP puisse montrer que ces initiatives qui viennent, certes, de contexte différent répondent au même défi.

Pouvez-vous décrire des initiatives porteuses d’espoir?

Par exemple l’agroécologie qui prend en compte la biodiversité des écosystèmes et qui vise une production durable et économe en énergie. Ou encore l’agriculture urbaine. Derrière cette pratique, on retrouve exactement la thématique de la souveraineté alimentaire, sur laquelle on travaille au Sud. Les communautés revendiquent d’avoir la maîtrise de leur semence et de leur mode de production. C’est le même phénomène qui se produit en Suisse sur les toits des immeubles en ville, même si les contextes sont différents.

Quels sont les principaux défis pour ces prochaines années?

Tout en gardant notre mandat au Sud, notre rôle pour ces prochaines années ne concerne plus uniquement l’aide au développement. Nous sommes confrontés à un enjeu de développement global. Les objectifs du millénaire pour le développement définis par l’ONU arrivent à échéance à la fin de l’année 2015. Ils consistaient essentiellement à apporter de l’aide de la part du Nord au Sud. Cette démarche va être remplacée par des objectifs de développement durable qui mettent tout le monde dans le même bateau. Nous sommes tous confrontés au même défi. PPP doit montrer, au travers de ses campagnes, que les enjeux économiques, écologiques et spirituels sont liés et qu’ils concernent autant le Sud que le Nord.

Comment pensez-vous incarner ces valeurs au niveau organisationnel?

En tant qu’ONG, on se doit de ne pas reproduire les structures qui posent problème au niveau global. Nous devons proposer une alternative au discours dominant. Ainsi au niveau organisationnel, pour que nos projets aient un impact, il faut que l’organisation elle-même ne fonctionne pas sur un mode néolibéral et axé sur la technique.

Par exemple, pour cette année, j’ai introduit un des éléments du «management agile», un modèle qui consiste essentiellement à se baser sur la motivation des employés. Ainsi, j’ai supprimé les objectifs individuels pour les remplacer par des objectifs par équipe. J’ai également prévu un «voyage d’inspiration». D’ici fin septembre, nous allons rendre visite par petit groupe à des organisations qui nous semblent incarner à leur manière les valeurs qu’on aimerait défendre, comme celle de Gabriela Manser dans les Grisons et qui produit de l’eau minérale, ou encore les éditions La Salamandre à Neuchâtel. Nous allons également rencontrer une équipe de Swisscom qui s’occupe justement de gérer ce moment de transition en mettant l’accent sur le fonctionnement des entreprises.

L’idée est de trouver un moyen de valoriser le sens comme méthode de management. Il y a un côté un peu idéaliste, mais nous avons besoin d’idéalisme aujourd’hui. Et il y aura toujours des objectifs et des budgets, il ne faut pas rêver non plus.