Le clergé kenyan lutte contre les bières «maison» mortelles

Le clergé kenyan lutte contre les bières «maison» mortelles

Près de quatre millions de Kenyans consomment des boissons alcoolisées illégales potentiellement mortelles
Les autorités publiques et religieuses réagissent.

Photo: RNS/Fredrick Nzwili

RNS-Protestinter, Nairobi, Kenya

Des ecclésiastiques kenyans soutiennent le décret présidentiel interdisant les bières faites maison, qui ont causé une vague de décès au Kenya. Ces breuvages alcoolisés, populairement surnommés «chang’aa» –qui signifie «tue-moi rapidement»– ou «Kumi Kumi» ont beaucoup de succès auprès des pauvres qui ne peuvent pas acheter des bières dans les commerces, car elles sont lourdement taxées.

Jusqu’à récemment, la plupart des bières kenyanes «maison» étaient sans danger. Elles étaient consommées lors de fêtes traditionnelles. Mais depuis quelques années, des brasseurs sans scrupule ont commencé à y introduire des produits chimiques tels que du méthanol pour rendre les boissons plus alcoolisées et accélérer le processus de brassage, transformant ces bières en véritables poisons.

Les responsables des Eglises locales sont inquiets et constatent que l’addiction à ces bières très fortes est devenue un des premiers facteurs de mortalité. Cette problématique engendre également la destruction des familles et des jeunes, tout en maintenant les plus démunis dans la pauvreté.

L’alcool est une des principales causes de décès

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré dans un rapport de 2014 que l’alcool est une cause majeure de décès dans le monde, tuant environ 3,3 millions de personnes, annuellement. Selon l’OMS, la majorité de l’alcool consommée en Afrique est illégal.

Le révérend James Kyalo de Kyumbi, un quartier sur la route qui va de Nairobi à Mombasa, près de la ville de Machakos, est particulièrement préoccupé. Il affirme qu’il est souvent en contact avec des hommes ivres titubant devant la «Maison de prières pour tous», une Eglise pentecôtiste. «Les repaires qui vendent des boissons illégales sont plus nombreux que les magasins ordinaires», constate-t-il.

Récemment, un breuvage toxique a tué plus de 50 personnes –principalement des personnes qui faisaient vivre leur famille– et rendu aveugles plusieurs autres individus. «Même après ces décès, ils n’ont pas arrêté de consommer cette boisson», explique James Kyalo. «En tant que pasteurs, nous parlons souvent de cette problématique. Nous savons que la boisson éloigne les jeunes de nos Eglises». Kyumbi n’est pas la seule région où les bières ont dévasté les communautés.

Au mois de juillet, le président Uhuru Kenyatta a mis en place une répression nationale contre le brassage illégal, qu’il appelle «le business de la mort». Le gouvernement a tenté de réglementer les brasseurs illégaux en 2010, tout en en autorisant quelques-uns: les brasseurs étaient tenus de vendre leurs boissons dans des bouteilles par des filières autorisées.

Actuellement, 385 marques d’alcool ont été interdites ainsi que 112 sociétés. «Personne n’a le droit de tuer des Kenyans. Tout ce business doit cesser», a déclaré Uhuru Kenyatta, en juillet. Avant cette action, les femmes de la région s’étaient révoltées contre le fait que ces boissons avaient détruit leur famille et leur avaient volé leur conjoint.

4 millions de Kenyans touchés

Selon une enquête de l’Autorité nationale pour la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie, près de 4 millions de Kenyans boivent des alcools illégaux. «Le plus grand défi est d’éradiquer la corruption au sein des fonctionnaires du gouvernement», a déclaré John Mututho, le responsable de l’Autorité nationale.

Certains membres du clergé ont rejoint les communautés pour débusquer et détruire les brasseries illégales. Certaines ne sont composées que de tonneaux ou des pots cachés dans la forêt, dans des maisons ou enterrée près de la rivière.

«Nous saluons les mesures prises par le président. En tant que clergé, nous n’encourageons pas l’alcoolisme», lâche l’évêque anglican Julius Kalu de Monbasa. «D’ailleurs, nous demandons plus de soutien pour désintoxiquer les personnes dépendantes». James Kyalo est du même avis. «Le président a pris des mesures audacieuses, mais il doit traiter le mal à la racine. Ce problème est profondément ancré dans les communautés les plus pauvres. Il doit lutter contre la pauvreté qui est en augmentation».