Au Kenya, le plan d’amnistie divise chrétiens et musulmans

Au Kenya, le plan d’amnistie divise chrétiens et musulmans

Les tensions entre religieux chrétiens et musulmans sont en train de flamber après la décision du gouvernement d’amnistier les jeunes musulmans qui acceptent de dénoncer le groupe terroriste. Les dirigeants chrétiens condamnent la mesure.

Photo: La mosquée Jamia, siège du Conseil suprême des musulmans du Kenya. ©Fredrick Nzwili/Religion News Service

Nairobi, RNS/Protestinter

Mardi 14 avril, le secrétaire de cabinet du ministère de l’Intérieur, Joseph Nkaissery, a annoncé la mesure d’amnistie de 10 jours offerte par le gouvernement aux membres repentis du groupe terroriste, à condition qu’ils se rendent, et qu’ils rejoignent les bureaux du gouvernement à Garissa, Mombasa ou Nairobi. On pense en effet que des centaines de jeunes Kenyans, majoritairement musulmans, ont été recrutés dans les régions côtières et du Nord-est de Nairobi par le groupe al-Shabab, basé en Somalie.

Mais, la mesure du gouvernement, qui intervient deux semaines après le meurtre de148 étudiants, pour la plupart chrétiens, à l’université de Garissa par le groupe terroriste, divise un peu plus les représentants religieux chrétiens et musulmans.

Fort sentiment d’injustice du côté chrétien

Alors que les dirigeants religieux musulmans disent eux aussi être les victimes de ces attaques, les dirigeants religieux chrétiens leur reprochent de ne pas avoir été honnêtes dans la lutte contre le terrorisme. «Nous avons souvent tendu l’autre joue, mais maintenant nous n’en avons plus aucune», a déclaré le révérend Peter Karanja, secrétaire général du Conseil national des Eglises du Kenya. «Le gouvernement doit se donner les moyens, et de manière urgente, de punir définitivement et clairement les auteurs de ces attaques, avant que les Kenyans ne commencent à se faire justice eux-mêmes, et n’entrent dans une guerre de religion sans fin.» Il a fait cette déclaration mercredi lors d’une conférence de presse organisée à la demande d’un vaste regroupement de dirigeants de l’Eglise, le forum consultatif des dirigeants chrétiens.

Ces derniers estiment que les jeunes concernés ont assimilé de leur plein gré les messages qui les incitaient à tuer des Kenyans. «Ils ont prêté serment devant témoins, et ils ont commis des crimes en lien direct avec la radicalisation», a déclaré le révérend Calisto Odede, un pasteur baptiste. Il estime que ce serait une erreur de laisser des Kenyans accepter parmi eux des militants avérés qui ne sont pas repentis de leurs crimes. «L’amnistie générale ne les oblige même pas à dénoncer et révéler ce que la radicalisation implique ni ce qui la provoque», a déclaré le révérend.

Un appel à la grâce du côté musulman

Parallèlement à ces déclarations, les dirigeants musulmans ont salué l’amnistie, et ont offert de conseiller le gouvernement sur la forme que cette mesure devrait prendre dans le cadre de la jurisprudence musulmane. Tout en demandant que la mesure d’amnistie soit prolongée à 30 jours, le Conseil suprême des musulmans du Kenya a invité tous les dirigeants religieux musulmans à l’annoncer dans les mosquées le vendredi 17 avril.

Les dirigeants musulmans souhaitent la réhabilitation des rapatriés d’al-Shabab. «L’islam permet de faire grâce en toute ouverture à toute personne qui se repent et cherche le pardon, quel que soit le tort ou le préjudice commis». Le Sheikh Adan Wachu, secrétaire général du Conseil suprême, a déclaré lors d’une conférence de presse: «nous remercions le gouvernement d’accorder l’amnistie aux jeunes Kenyans qui ont rejoint al-Shabab.»